15/ Et la tête ?

Courir à Saint Jean de Védas

Quelle que soit la qualité de sa préparation physique, l’ultra trailer est toujours confronté à des passages à vide qui font partie des difficultés spécifiques des épreuves de longue distance. Chacun doit s’y préparer et apprendre à les gérer.

Sur une telle épreuve, au bout de quelques kilomètres, le peloton s’étire et la plupart des concurrents se retrouvent parfois seuls, à trottiner à la lueur de leur lampe frontale, dans un environnement qui ne leur est pas toujours familier. La fatigue et quelques petites misères aidant, au bout de quelques heures, l’enthousiasme du départ peut céder la place au doute.

Cette perte épisodique du moral est un phénomène normal, voire banal pour les habitués, il est le résultat d’un processus physiologique bien compréhensible. Le cerveau qui gère les ressources en carburant, s’inquiète de voir le niveau du glycogène baisser anormalement. Il envoie des signaux d’alerte, il nous fabrique une petite dépression et notre personnalité se dédouble. D’un côté, l’ange qui dit, « allez vas-y, continue, tu t’es pas entraîné pour flancher maintenant, pense à tous ceux qui croient en toi… » et le démon qui nous demande « qu’est-ce que tu fais là, au milieu de nulle part, monsieur le conquérant de l’inutile ? ».

Il ne faut surtout pas céder, abandonner sur un coup de tête pour vivre ensuite des semaines de regrets et de frustration. C’est juste un coup de mou momentané. Il faut penser positif, se faire un petit plaisir, manger une petite sucrerie qu’on aura emportée à cet effet, ne pas hésiter à faire une pause, voire prendre un quart d’heure de sommeil réparateur à un point de ravitaillement, changer de chaussettes, passer un peu de pommade relaxante, penser à autre chose !

Ce n’est qu’après ce retour au calme qu’on prend la décision d’arrêter ou de continuer en toute lucidité, avec toute sa tête. Et on est étonné de voir que la mécanique repart, que le cerveau convaincu redevient un allié, il émet à nouveau sur Radio Caraïbes, lâche quelques gouttes d’endorphine et nous fait entrevoir la ligne d’arrivée, les ovations, les embrassades, les larmes …

L’ULTRA c’est 1 pas avec les jambes, 10 pas avec la tête, tous des guerriers !!!